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法语阅读:追忆似水年华44

分类: 法语  时间: 2023-02-12 17:05:30  作者: 全国等级考试资料网 

– Revenons à vous, me dit M. de Charlus, et à mes projets sur vous. Il existe entre certains hommes, Monsieur, une franc-ma onnerie dont je ne puis vous parler, mais qui compte dans ses rangs en ce moment quatre souverains de l’Europe. Or l’entourage de l’un d’eux veut le guérir de sa chimère. Cela est une chose très grave et peut nous amener la guerre. Oui, Monsieur, parfaitement. Vous connaissez l’histoire de cet homme qui croyait tenir dans une bouteille la princesse de la Chine. C’était une folie. On l’en guérit. Mais dès qu’il ne fut plus fou il devint bête. Il y a des maux dont il ne faut pas chercher à guérir parce qu’ils nous protègent seuls contre de plus graves. Un de mes cousins avait une maladie de l’estomac, il ne pouvait rien digérer. Les plus savants spécialistes de l’estomac le soignèrent sans résultat. Je l’amenai à un certain médecin (encore un être bien curieux, entre parenthèses, et sur lequel il y aurait beaucoup à dire). Celui-ci devina aussit t que la maladie était nerveuse, il persuada son malade, lui ordonna de manger sans crainte ce qu’il voudrait et qui serait toujours bien toléré. Mais mon cousin avait aussi de la néphrite. Ce que l’estomac digère parfaitement, le rein finit par ne plus pouvoir l’éliminer, et mon cousin, au lieu de vivre vieux avec une maladie d’estomac imaginaire qui le for ait à suivre un régime, mourut à quarante ans, l’estomac guéri mais le rein perdu. Ayant une formidable avance sur votre propre vie, qui sait, vous serez peut-être ce qu’e t pu être un homme éminent du passé si un génie bienfaisant lui avait dévoilé, au milieu d’une humanité qui les ignorait, les lois de la vapeur et de l’électricité. Ne soyez pas bête, ne refusez pas par discrétion. Comprenez que si je vous rends un grand service, je n’estime pas que vous m’en rendiez un moins grand. Il y a longtemps que les gens du monde ont cessé de m’intéresser, je n’ai plus qu’une passion, chercher à racheter les fautes de ma vie en faisant profiter de ce que je sais une ame encore vierge et capable d’être enflammée par la vertu. J’ai eu de grands chagrins, Monsieur, et que je vous dirai peut-être un jour, j’ai perdu ma femme qui était l’être le plus beau, le plus noble, le plus parfait qu’on p t rêver. J’ai de jeunes parents qui ne sont pas, je ne dirai pas dignes, mais capables de recevoir l’héritage moral dont je vous parle. Qui sait si vous n’êtes pas celui entre les mains de qui il peut aller, celui dont je pourrai diriger et élever si haut la vie ? La mienne y gagnerait par surcro t. Peut-être en vous apprenant les grandes affaires diplomatiques y reprendrais-je go t de moi-même et me mettrais-je enfin à faire des choses intéressantes où vous seriez de moitié. Mais avant de le savoir, il faudrait que je vous visse souvent, très souvent, chaque jour.

Je voulais profiter de ces bonnes dispositions inespérées de M. de Charlus pour lui demander s’il ne pourrait pas me faire rencontrer sa belle-s ur, mais, à ce moment, j’eus le bras vivement déplacé par une secousse comme électrique. C’était M. de Charlus qui venait de retirer précipitamment son bras de dessous le mien. Bien que, tout en parlant, il promenat ses regards dans toutes les directions, il venait seulement d’apercevoir M. d’Argencourt qui débouchait d’une rue transversale. En nous voyant, M. d’Argencourt parut contrarié, jeta sur moi un regard de méfiance, presque ce regard destiné à un être d’une autre race que Mme de Guermantes avait eu pour Bloch, et tacha de nous éviter. Mais on e t dit que M. de Charlus tenait à lui montrer qu’il ne cherchait nullement à ne pas être vu de lui, car il l’appela et pour lui dire une chose fort insignifiante. Et craignant peut-être que M. d’Argencourt ne me reconn t pas, M. de Charlus lui dit que j’étais un grand ami de Mme de Villeparisis, de la duchesse de Guermantes, de Robert de Saint-Loup ; que lui-même, Charlus, était un vieil ami de ma grand’mère, heureux de reporter sur le petit-fils un peu de la sympathie qu’il avait pour elle. Néanmoins je remarquai que M. d’Argencourt, à qui pourtant j’avais été à peine nommé chez Mme de Villeparisis et à qui M. de Charlus venait de parler longuement de ma famille, fut plus froid avec moi qu’il n’avait été il y a une heure ; pendant fort longtemps il en fut ainsi chaque fois qu’il me rencontrait. Il m’observait avec une curiosité qui n’avait rien de sympathique et sembla même avoir à vaincre une résistance quand, en nous quittant, après une hésitation, il me tendit une main qu’il retira aussit t.

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