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法语阅读:追忆似水年华20

分类: 法语  时间: 2022-11-18 18:50:58  作者: 全国等级考试资料网 

– On voit que vous tes musicienne dans l’ame, madame, lui dit le gnral, en faisant inconsciemment allusion l’incident de la bobche.

Mais le concert recommena et Swann comprit qu’il ne pourrait pas s’en aller avant la fin de ce nouveau numro du programme. Il souffrait de rester enferm au milieu de ces gens dont la btise et les ridicules le frappaient d’autant plus douloureusement qu’ignorant son amour, incapables, s’ils l’avaient connu, de s’y intresser et de faire autre chose que d’en sourire comme d’un enfantillage ou de le dplorer comme une folie, ils le lui faisaient apparatre sous l’aspect d’un tat subjectif qui n’existait que pour lui, dont rien d’extrieur ne lui affirmait la ralit ;il souffrait surtout, et au point que mme le son des instruments lui donnait envie de crier, de prolonger son exil dans ce lieu o Odette ne viendrait jamais, o personne, o rien ne la connaissait, d’o elle tait entirement absente.

Mais tout coup ce fut comme si elle tait entre, et cette apparition lui fut une si dchirante souffrance qu’il dut porter la main son c?ur. C’est que le violon tait mont des notes hautes o il restait comme pour une attente, une attente qui se prolongeait sans qu’il cessat de les tenir, dans l’exaltation o il tait d’apercevoir dj l’objet de son attente qui s’approchait, et avec un effort dsespr pour tacher de durer jusqu’ son arrive, de l’accueillir avant d’expirer, de lui maintenir encore un moment de toutes ses dernires forces le chemin ouvert pour qu’il pt passer, comme on soutient une porte qui sans cela retomberait. Et avant que Swann et eu le temps de comprendre, et de se dire : C’est la petite phrase de la sonate de Vinteuil, n’coutons pas ! >>tous ses souvenirs du temps o Odette tait prise de lui, et qu’il avait russi jusqu’ ce jour maintenir invisibles dans les profondeurs de son tre, tromps par ce brusque rayon du temps d’amour qu’ils crurent revenu, s’taient rveills et, tire d’aile, taient remonts lui chanter perdument, sans piti pour son infortune prsente, les refrains oublis du bonheur.

Au lieu des expressions abstraites temps o j’tais heureux >>, temps o j’tais aim >>, qu’il avait souvent prononces jusque-l et sans trop souffrir, car son intelligence n’y avait enferm du pass que de prtendus extraits qui n’en conservaient rien, il retrouva tout ce qui de ce bonheur perdu avait fix jamais la spcifique et volatile essence ;il revit tout, les ptales neigeux et friss du chrysanthme qu’elle lui avait jet dans sa voiture, qu’il avait gard contre ses lvres – l’adresse en relief de la Maison Dore >>sur la lettre o il avait lu : Ma main tremble si fort en vous crivant >>– le rapprochement de ses sourcils quand elle lui avait dit d’un air suppliant : Ce n’est pas dans trop longtemps que vous me ferez signe ? >>;il sentit l’odeur du fer du coiffeur par lequel il se faisait relever sa brosse >>pendant que Lordan allait chercher la petite ouvrire, les pluies d’orage qui tombrent si souvent ce printemps-l, le retour glacial dans sa victoria, au clair de lune, toutes les mailles d’habitudes mentales, d’impressions saisonnires, de crations cutanes, qui avaient tendu sur une suite de semaines un rseau uniforme dans lequel son corps se trouvait repris. ce moment-l, il satisfaisait une curiosit voluptueuse en connaissant les plaisirs des gens qui vivent par l’amour. Il avait cru qu’il pourrait s’en tenir l, qu’il ne serait pas oblig d’en apprendre les douleurs ;comme maintenant le charme d’Odette lui tait peu de chose auprs de cette formidable terreur qui le prolongeait comme un trouble halo, cette immense angoisse de ne pas savoir tous moments ce qu’elle avait fait, de ne pas la possder partout et toujours ! Hlas, il se rappela l’accent dont elle s’tait crie : Mais je pourrai toujours vous voir, je suis toujours libre ! >>elle qui ne l’tait plus jamais ! l’intrt, la curiosit qu’elle avait eus pour sa vie lui, le dsir passionn qu’il lui ft la faveur – redoute au contraire par lui en ce temps-l comme une cause d’ennuyeux drangements – de l’y laisser pntrer ;comme elle avait t oblige de le prier pour qu’il se laissat mener chez les Verdurin ;et, quand il la faisait venir chez lui une fois par mois, comme il avait fallu, avant qu’il se laissat flchir, qu’elle lui rptat le dlice que serait cette habitude de se voir tous les jours dont elle rvait alors qu’elle ne lui semblait lui qu’un fastidieux tracas, puis qu’elle avait prise en dgot et dfinitivement rompue, pendant qu’elle tait devenue pour lui un si invincible et si douloureux besoin. Il ne savait pas dire si vrai quand, la troisime fois qu’il l’avait vue, comme elle lui rptait : Mais pourquoi ne me laissez-vous pas venir plus souvent >>, il lui avait dit en riant, avec galanterie : par peur de souffrir >>. Maintenant, hlas ! il arrivait encore parfois qu’elle lui crivt d’un restaurant ou d’un htel sur du papier qui en portait le nom imprim ;mais c’tait comme des lettres de feu qui le brlaient. C’est crit de l’htel Vouillemont ? Qu’y peut-elle tre alle faire ! avec qui ? que s’y est-il pass ? >>Il se rappela les becs de gaz qu’on teignait boulevard des Italiens quand il l’avait rencontre contre tout espoir parmi les ombres errantes, dans cette nuit qui lui avait sembl presque surnaturelle et qui en effet – nuit d’un temps o il n’avait mme pas se demander s’il ne la contrarierait pas en la cherchant, en la retrouvant, tant il tait sr qu’elle n’avait pas de plus grande joie que de le voir et de rentrer avec lui – appartenait bien un monde mystrieux o on ne peut jamais revenir quand les portes s’en sont refermes. Et Swann aperut, immobile en face de ce bonheur revcu, un malheureux qui lui fit piti parce qu’il ne le reconnut pas tout de suite, si bien qu’il dut baisser les yeux pour qu’on ne vt pas qu’ils taient pleins de larmes. C’tait lui-mme.

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