法语阅读:追忆似水年华50
分类: 法语
时间: 2022-11-20 10:04:42
作者: 全国等级考试资料网
Je crus d’abord que j’y échouerais. Comme elle devait rester fort longtemps encore à Balbec et moi aussi, j’avais trouvé que le mieux était de ne pas trop chercher à la voir et d’attendre une occasion qui me f t la rencontrer. Mais cela arrivat-il tous les jours, il était fort à craindre qu’elle se contentat de répondre de loin à mon salut, lequel dans ce cas, répété quotidiennement pendant toute la saison, ne m’avancerait à rien.
Peu de temps après, un matin où il avait plu et où il faisait presque froid, je fus abordé sur la digue par une jeune fille portant un toquet et un manchon, si différente de celle que j’avais vue à la réunion d’Elstir que reconna tre en elle la même personne semblait pour l’esprit une opération impossible ; le mien y réussit cependant, mais après une seconde de surprise qui, je crois, n’échappa pas à Albertine. D’autre part me souvenant à ce moment-là des bonnes fa ons qui m’avaient frappé, elle me fit éprouver l’étonnement inverse par son ton rude et ses manières petite bande . Au reste la tempe avait cessé d’être le centre optique et rassurant du visage, soit que je fusse placé de l’autre c té, soit que le toquet la recouvr t, soit que son inflammation ne f t pas constante. Quel temps ! me dit-elle, au fond l’été sans fin à Balbec est une vaste blague. Vous ne faites rien ici ? On ne vous voit jamais au golf, aux bals du Casino ; vous ne montez pas à cheval non plus. Comme vous devez vous raser ! Vous ne trouvez pas qu’on se bêtifie à rester tout le temps sur la plage. Ah ! vous aimez à faire le lézard. Vous avez du temps de reste. Je vois que vous n’êtes pas comme moi, j’adore tous les sports ! Vous n’étiez pas aux courses de la Sogne ? Nous y sommes allés par le tram et je comprends que a ne vous amuse pas de prendre un tacot pareil ! nous avons mis deux heures ! J’aurais fait trois fois l’aller et retour avec ma bécane. Moi qui avais admiré Saint-Loup quand il avait appelé tout naturellement le petit chemin de fer d’intérêt local le tortillard, à cause des innombrables détours qu’il faisait, j’étais intimidé par la facilité avec laquelle Albertine disait le tram , le tacot . Je sentais sa ma trise dans un mode de désignations où j’avais peur qu’elle ne constatat et ne méprisat mon infériorité. Encore la richesse de synonymes que possédait la petite bande pour désigner ce chemin de fer ne m’était-elle pas encore révélée. En parlant, Albertine gardait la tête immobile, les narines serrées, ne faisait remuer que le bout des lèvres. Il en résultait ainsi un son tra nard et nasal dans la composition duquel entraient peut-être des hérédités provinciales, une affectation juvénile de flegme britannique, les le ons d’une institutrice étrangère et une hypertrophie congestive de la muqueuse du nez. Cette émission, qui cédait bien vite du reste quand elle connaissait plus les gens et redevenait naturellement enfantine, aurait pu passer pour désagréable. Mais elle était particulière et m’enchantait. Chaque fois que j’étais quelques jours sans la rencontrer, je m’exaltais en me répétant : On ne vous voit jamais au golf , avec le ton nasal sur lequel elle l’avait dit, toute droite, sans bouger la tête. Et je pensais alors qu’il n’existait pas de personne plus désirable.
Nous formions ce matin-là un de ces couples qui piquent à et là la digue de leur conjonction, de leur arrêt, juste le temps d’échanger quelques paroles avant de se désunir pour reprendre séparément chacun sa promenade divergente. Je profitai de cette immobilité pour regarder et savoir définitivement où était situé le grain de beauté. Or, comme une phrase de Vinteuil qui m’avait enchanté dans la Sonate et que ma mémoire faisait errer de l’andante au finale jusqu’au jour où, ayant la partition en main, je pus la trouver et l’immobiliser dans mon souvenir à sa place, dans le scherzo, de même le grain de beauté que je m’étais rappelé tant t sur la joue, tant t sur le menton, s’arrêta à jamais sur la lèvre supérieure au-dessous du nez. C’est ainsi encore que nous rencontrons avec étonnement des vers que nous savons par c ur, dans une pièce où nous ne soup onnions pas qu’ils se trouvassent.
Peu de temps après, un matin où il avait plu et où il faisait presque froid, je fus abordé sur la digue par une jeune fille portant un toquet et un manchon, si différente de celle que j’avais vue à la réunion d’Elstir que reconna tre en elle la même personne semblait pour l’esprit une opération impossible ; le mien y réussit cependant, mais après une seconde de surprise qui, je crois, n’échappa pas à Albertine. D’autre part me souvenant à ce moment-là des bonnes fa ons qui m’avaient frappé, elle me fit éprouver l’étonnement inverse par son ton rude et ses manières petite bande . Au reste la tempe avait cessé d’être le centre optique et rassurant du visage, soit que je fusse placé de l’autre c té, soit que le toquet la recouvr t, soit que son inflammation ne f t pas constante. Quel temps ! me dit-elle, au fond l’été sans fin à Balbec est une vaste blague. Vous ne faites rien ici ? On ne vous voit jamais au golf, aux bals du Casino ; vous ne montez pas à cheval non plus. Comme vous devez vous raser ! Vous ne trouvez pas qu’on se bêtifie à rester tout le temps sur la plage. Ah ! vous aimez à faire le lézard. Vous avez du temps de reste. Je vois que vous n’êtes pas comme moi, j’adore tous les sports ! Vous n’étiez pas aux courses de la Sogne ? Nous y sommes allés par le tram et je comprends que a ne vous amuse pas de prendre un tacot pareil ! nous avons mis deux heures ! J’aurais fait trois fois l’aller et retour avec ma bécane. Moi qui avais admiré Saint-Loup quand il avait appelé tout naturellement le petit chemin de fer d’intérêt local le tortillard, à cause des innombrables détours qu’il faisait, j’étais intimidé par la facilité avec laquelle Albertine disait le tram , le tacot . Je sentais sa ma trise dans un mode de désignations où j’avais peur qu’elle ne constatat et ne méprisat mon infériorité. Encore la richesse de synonymes que possédait la petite bande pour désigner ce chemin de fer ne m’était-elle pas encore révélée. En parlant, Albertine gardait la tête immobile, les narines serrées, ne faisait remuer que le bout des lèvres. Il en résultait ainsi un son tra nard et nasal dans la composition duquel entraient peut-être des hérédités provinciales, une affectation juvénile de flegme britannique, les le ons d’une institutrice étrangère et une hypertrophie congestive de la muqueuse du nez. Cette émission, qui cédait bien vite du reste quand elle connaissait plus les gens et redevenait naturellement enfantine, aurait pu passer pour désagréable. Mais elle était particulière et m’enchantait. Chaque fois que j’étais quelques jours sans la rencontrer, je m’exaltais en me répétant : On ne vous voit jamais au golf , avec le ton nasal sur lequel elle l’avait dit, toute droite, sans bouger la tête. Et je pensais alors qu’il n’existait pas de personne plus désirable.
Nous formions ce matin-là un de ces couples qui piquent à et là la digue de leur conjonction, de leur arrêt, juste le temps d’échanger quelques paroles avant de se désunir pour reprendre séparément chacun sa promenade divergente. Je profitai de cette immobilité pour regarder et savoir définitivement où était situé le grain de beauté. Or, comme une phrase de Vinteuil qui m’avait enchanté dans la Sonate et que ma mémoire faisait errer de l’andante au finale jusqu’au jour où, ayant la partition en main, je pus la trouver et l’immobiliser dans mon souvenir à sa place, dans le scherzo, de même le grain de beauté que je m’étais rappelé tant t sur la joue, tant t sur le menton, s’arrêta à jamais sur la lèvre supérieure au-dessous du nez. C’est ainsi encore que nous rencontrons avec étonnement des vers que nous savons par c ur, dans une pièce où nous ne soup onnions pas qu’ils se trouvassent.