法语小说阅读:小东西上篇(4)
分类: 法语
时间: 2023-04-13 19:51:44
作者: 全国等级考试资料网
PREMIERE PARTIE 上篇
Chapitre IV LE CAHIER ROUGE 第四章 红本子
On trouve dans les vieux missels de na ves enluminures, où la Dame des sept douleurs est représentée ayant sur chacune de ses joues une grande ride profonde, cicatrice divine que l’artiste a mise là pour nous dire : “ Regardez comme elle a pleuré!... ” Cette ride - la ride des larmes - je jure que je l’ai vue sur le visage amaigri de Mme Eyssette, lorsqu’elle revint à Lyon, après avoir enterré son fils.
Pauvre mère, depuis ce jour elle ne voulut plus sourire. Ses robes furent toujours noires, son visage toujours désolé, Dans ses vêtements comme dans son coeur, elle prit le grand deuil, et ne le quitta jamais... Du reste, rien de changé dans la maison Eyssette ; ce fut un peu plus lugubre, voilà tout. Le curé de Saint-Nizier dit quelques messes pour le repos de l’ame de l’abbé. On tailla deux vêtements noirs pour les enfants dans une vieille rouliére? de leur père, et la vie, la triste vie recommen a.
Il y avait déjà quelque temps que notre cher abbé était mort, lorsqu’un soir, à l’heure de nous coucher, je fus étonné de voir Jacques fermer notre chambre à double tour, boucher soigneusement les rainures de la porte, et, cela fait, venir vers moi, d’un grand air de solennité et de mystère.
Il faut vous dire que, depuis son retour du Midi, un singulier changement s’était opéré dans les habitudes de l’ami Jacques. D’abord, ce que peu de personnes voudront croire, Jacques ne pleurait plus, ou presque plus ; puis, son fol amour du cartonnage lui avait à peu près passé. Les petits pots de colle allaient encore au feu de temps en temps, mais ce n’était plus avec le même entrain; maintenant, si vous aviez besoin d’un cartable, il fallait vous mettre à genoux pour l’obtenir... Des choses incroyables! un carton à chapeaux que Mme Eyssette avait commandé était sur le chantier depuis huit jours... A la maison, on ne s’apercevait de rien; mais moi, je voyais bien que Jacques avait quelque chose. Plusieurs fois, je l’avais surpris dans le magasin, parlant seul et faisant des gestes. La nuit, il ne dormait pas ; je l’entendais marmotter entre ses dents, puis subitement sauter à bas du lit et marcher à grands pas dans la chambre... tout cela n’était pas naturel et me faisait peur quand j’y songeais. Il me semblait que Jacques allait devenir fou.
Ce soir-là, quand je le vis fermer à double tour la porte de notre chambre, cette idée de folie me revint dans la tête et j’eus un mouvement d’effroi ; mon pauvre Jacques! lui, ne s’en aper ut pas, et prenant gravement une de mes mains dans les siennes :
“ Daniel, me dit-il, je vais te confier quelque chose mais il faut me jurer que tu n’en parleras jamais. ” Je compris tout de suite que Jacques n’était pas fou.
Je répondis sans hésiter:
“ Je te le jure, Jacques.
- Eh bien, tu ne sais pas ?...,chut!... Je fais un poème, un grand poème.
- Un poème, Jacques! Tu fais un poème, toi!” Pour toute réponse, Jacques tira de dessous sa veste un énorme cahier rouge qu’il avait cartonné lui-même, et en tête duquel il avait écrit de sa plus belle main:
RELIGION ! RELIGION !
Poème en douze chants PAR EYSSETTE (JACQUES)
C’était si grand que j’en eus comme un vertige.
Comprenez-vous cela?... Jacques, mon frère Jacques, un enfant de treize ans, le Jacques des sanglots et des petits pots de colle, faisait : Religion ! Religion ! poème en douze chants. Et personne ne s’en doutait ! et on continuait à l’envoyer chez les marchands d’herbes avec un panier sous le bras ! et son père lui criait plus que jamais :
“Jacques, tu es un ane !...” Ah ! pauvre cher Eyssette (Jacques)! comme je vous aurais sauté. au cou de bon coeur, si j’avais osé, Mais je n’osai pas... Songez donc !... Religion! Religion! poème en douze chants !... Pourtant la vérité m’oblige à dire que ce poème en douze chants était loin d’être terminé. Je crois même qu’il n’y avait encore de fait que les quatre premiers vers du premier chant ; mais vous savez, en ces sortes d’ouvrages la mise en train est toujours ce qu’il y a de plus difficile, et comme disait Eyssette (Jacques) avec beaucoup de raison : “Maintenant que j’ai mes quatre premiers vers, le reste n’est rien; ce n’est qu’une affaire de temps". ”
Chapitre IV LE CAHIER ROUGE 第四章 红本子
On trouve dans les vieux missels de na ves enluminures, où la Dame des sept douleurs est représentée ayant sur chacune de ses joues une grande ride profonde, cicatrice divine que l’artiste a mise là pour nous dire : “ Regardez comme elle a pleuré!... ” Cette ride - la ride des larmes - je jure que je l’ai vue sur le visage amaigri de Mme Eyssette, lorsqu’elle revint à Lyon, après avoir enterré son fils.
Pauvre mère, depuis ce jour elle ne voulut plus sourire. Ses robes furent toujours noires, son visage toujours désolé, Dans ses vêtements comme dans son coeur, elle prit le grand deuil, et ne le quitta jamais... Du reste, rien de changé dans la maison Eyssette ; ce fut un peu plus lugubre, voilà tout. Le curé de Saint-Nizier dit quelques messes pour le repos de l’ame de l’abbé. On tailla deux vêtements noirs pour les enfants dans une vieille rouliére? de leur père, et la vie, la triste vie recommen a.
Il y avait déjà quelque temps que notre cher abbé était mort, lorsqu’un soir, à l’heure de nous coucher, je fus étonné de voir Jacques fermer notre chambre à double tour, boucher soigneusement les rainures de la porte, et, cela fait, venir vers moi, d’un grand air de solennité et de mystère.
Il faut vous dire que, depuis son retour du Midi, un singulier changement s’était opéré dans les habitudes de l’ami Jacques. D’abord, ce que peu de personnes voudront croire, Jacques ne pleurait plus, ou presque plus ; puis, son fol amour du cartonnage lui avait à peu près passé. Les petits pots de colle allaient encore au feu de temps en temps, mais ce n’était plus avec le même entrain; maintenant, si vous aviez besoin d’un cartable, il fallait vous mettre à genoux pour l’obtenir... Des choses incroyables! un carton à chapeaux que Mme Eyssette avait commandé était sur le chantier depuis huit jours... A la maison, on ne s’apercevait de rien; mais moi, je voyais bien que Jacques avait quelque chose. Plusieurs fois, je l’avais surpris dans le magasin, parlant seul et faisant des gestes. La nuit, il ne dormait pas ; je l’entendais marmotter entre ses dents, puis subitement sauter à bas du lit et marcher à grands pas dans la chambre... tout cela n’était pas naturel et me faisait peur quand j’y songeais. Il me semblait que Jacques allait devenir fou.
Ce soir-là, quand je le vis fermer à double tour la porte de notre chambre, cette idée de folie me revint dans la tête et j’eus un mouvement d’effroi ; mon pauvre Jacques! lui, ne s’en aper ut pas, et prenant gravement une de mes mains dans les siennes :
“ Daniel, me dit-il, je vais te confier quelque chose mais il faut me jurer que tu n’en parleras jamais. ” Je compris tout de suite que Jacques n’était pas fou.
Je répondis sans hésiter:
“ Je te le jure, Jacques.
- Eh bien, tu ne sais pas ?...,chut!... Je fais un poème, un grand poème.
- Un poème, Jacques! Tu fais un poème, toi!” Pour toute réponse, Jacques tira de dessous sa veste un énorme cahier rouge qu’il avait cartonné lui-même, et en tête duquel il avait écrit de sa plus belle main:
RELIGION ! RELIGION !
Poème en douze chants PAR EYSSETTE (JACQUES)
C’était si grand que j’en eus comme un vertige.
Comprenez-vous cela?... Jacques, mon frère Jacques, un enfant de treize ans, le Jacques des sanglots et des petits pots de colle, faisait : Religion ! Religion ! poème en douze chants. Et personne ne s’en doutait ! et on continuait à l’envoyer chez les marchands d’herbes avec un panier sous le bras ! et son père lui criait plus que jamais :
“Jacques, tu es un ane !...” Ah ! pauvre cher Eyssette (Jacques)! comme je vous aurais sauté. au cou de bon coeur, si j’avais osé, Mais je n’osai pas... Songez donc !... Religion! Religion! poème en douze chants !... Pourtant la vérité m’oblige à dire que ce poème en douze chants était loin d’être terminé. Je crois même qu’il n’y avait encore de fait que les quatre premiers vers du premier chant ; mais vous savez, en ces sortes d’ouvrages la mise en train est toujours ce qu’il y a de plus difficile, et comme disait Eyssette (Jacques) avec beaucoup de raison : “Maintenant que j’ai mes quatre premiers vers, le reste n’est rien; ce n’est qu’une affaire de temps". ”